Moul Sacca

Lhaj Lmokhtar est mort à l’âge de 89 ans, homme  très respectable dans son quartier, travailleur et sérieux. Il a laissé derrière lui une famille de 30 personnes entre épouse, enfants et petits enfants, tous sous le même toit, sans aucun héritage a part la maison qu’il a construit de ses mains et un garage. Lhaj n’a jamais été a l’école et n’a jamais su ni lire ni écrire, son testament est très simple et il l’a toujours répété a ses enfants depuis des années déjà:

1- Choisissez entre vous quelqu’un qui guidera la famille après ma mort et obéissez-le

2- Ne vendez jamais la maison

3-  Prenez soin de votre mère et aimez vous les uns les autres

4- Une enveloppe qui ne doit être ouverte qu’en cas de crise Majeure

Simhamed est l’aîné de la famille, et il est aux commandes de la famille depuis 10 ans [depuis que lhaj est tombé malade], c’est lui qui assure les revenus et prend soin de tout le monde. Débrouillard, respectueux et aimant la vie, il n’a pas pu décrocher son BAC après 3 tentatives ce qui l’a poussé a quitter l’école définitivement et a se consacrer a son petit business qu’il a créé dans le garage familiale: « une épicerie  » [ce qu’on appelle Sacca chez nous]  ou il vend différents produits allant des journaux jusqu’aux pommes de terres en passant par les cigarettes et quelques épices. Sa petite affaire marchait assez bien et pouvait subvenir aux besoins de ses frères et sœurs et surtout pour payer les frais du médecin pour lhaj, elle ne permettait pas d’épargne  au contraire une partie des revenus servait essentiellement a rembourser le prêt que Simhamed a contracter pour démarrer son business. Bref la vie n’était pas trop dure, ils étaient loin d’être riches mais pas pauvres non plus. Ils étaient heureux.

La seule personne mécontente de la famille était Yassine son frère, il a toujours été  contre le fait de vendre des cigarettes dans le garage familiale et n’a jamais vu d’un bon œil le prêt contracté par son frère. Les cigarettes et la banque créaient des tensions entre Yassine et Simhamed, mais cette tension trouvait son origine dans d’autres petites histoires qui ont commencé depuis l’enfance, faisant qu’ils sont devenus deux personnalités complètement opposées l’une a l’autre. Histoires qui ont commencé avec les conseils religieux insistants de Yassine a tous les membres de la familles, mais aussi avec les relations que Simhamed entretenait avec l’m9adem du quartier [personnage corrompu et détesté par tout le monde]. Simhamed lui donnait de temps en temps quelques produits gratuitement  pour qu’il le laisse exposer sa marchandise sur une petite terrasse devant le garage. Yassine commençait donc a voir la corruption et le haram partout dans la maison, il commençait même a douter de ses sœurs et leurs va-et-vient a la fac.

Quand Yassine parle personne n’ose lui couper la parole, non seulement parce qu’il est beau parleur et autoritaire mais aussi et surtout parce qu’il cite souvent des textes religieux pour ornementer son sujet, et personne dans la famille n’ose couper la parole divine par respect a la religion.

Lhaj est donc mort, le soir même yassine s’adresse a toute la famille: « rappelez vous des conseils de Lhaj, comme vous le savez  Simhamed gère la boutique depuis 10 ans, le fait qu’il l’a finance avec de l’argent haram, qu’il y vend des produits haram et qu’il dépense son argent dans le haram nous a conduit a rester pauvres, cela a certainement été derrière la mort de notre père et derrière notre situation précaire inacceptable. je voudrai que vous me choisissez pour que je m’occupe de cette famille comme mon père le faisait avant, je vous promet de tout remettre sur le droit chemin et de rendre notre famille riche comme les voisins tout cela dans le halal et le respect des percept de notre religion »

Simhamed, blessé au fond du cœur, voulait répondre et dire qu’il y aurait jamais eu de boutique si lui ne l’avait pas créée que Lui même son principale opposant n’a jamais ramené un seul sou a la maison et qu’il mangeait et vivait de l’argent de cette boutique et que de l’avis même du défunt  père, Simhamed était le plus apte a gérer les affaires de la famille. Mais avant de répondre, la mère intervient et donne raison a Yassine: « Ok, mon fils tu seras l’homme de la famille, ton frère l’a déjà été avant toi et il doit se reposer un peu, prend donc soin de tes sœurs et tes frères et n’oublie jamais les conseils de ton père »

Yassine se dirige le lendemain vers la Sacca, jette les cigarettes et certains autres produits suspects, il commence a revoir le mode de fonctionnement de la boutique et après 3 mois l’épicerie n’est plus une « sacca » comme avant , mais un endroit ou on vend des produits venus d’orient [parfums, foulards, porte cles, .. etc] et des livres religieux. La clientèle a changé,  et la plupart d’entre eux au lieu de venir acheter leur produits et partir passent des heures dans la boutique a parler de sujet religieux et politiques  avec Yassine. Leur look religieux fait fuir d’autres clients potentiels. Pour couronner le tout, le M9addem lui interdit d’utiliser la terrasse puisque c’est un bien publique [en réalité la vrai raison est que Yassine ne vend plus de produits qui intéressent le m9addem]

La situation financière de la famille s’aggrave, et tout le monde commence a se sentir dans le besoin. Yassine, étant incapable de comprendre la source du problème  fait de son mieux pour combler le manque. Leur prétextant les effets de l’argent haram que son frère a mis dans la boutique, et apres avoir réfléchi, il entame une stratégie de réduction des coûts et leur impose d’abord de jeûner les Lundi et les Jeudis comme le faisait le prophète Mohammed saw, puis demande a Simhamed de vendre son scooter et remettre son argent a la famille, il a ensuite marié une de ses sœurs, après lui avoir demandé d’arrêter ses études [inutiles selon lui], a un ami de la mosquée qui travaille avec lui dans la boutique ….

Plus rien ne marchait dans la famille, Yassine n’adresse plus la parole a Simhamed, qui a profite de son temps libre pour entamer une formation de 2 ans de technicien en informatique. Les besoins des petits enfants de lhaj augmentent au fur et a mesure qu’ils grandissent et qu’ils deviennent nombreux. il n’existe plus assez d’espace dans la maison pour tout le monde et la boutique reste fermée une semaine sur 3. Un  jour Yassine décide de vendre la maison aux voisins riches pour investir dans des tapis venus de Turkie , et c’est la qu’intervient la maman et de manière très ferme.

Elle les réunit et leur rappelle les 3 conseils du père, dont le 3eme est de ne jamais vendre la maison. Elle considère que la famille est dans une situation grave, assez grave pour ouvrir l’enveloppe laissée par lhaj. Elle remet l’enveloppe au chef de famille « Yassine » qui l’ouvre et y trouve un bout de papier écrit avec des lettres très belles et de manière très soignée et se presse de la lire dans un coin su salon:

Mon fils,

Si tu ouvre cette lettre c’est que ton ego l’a emporté sur le bonheur et l’union de la famille que je t’ai confié et qui t’a donné  obéissance et soutien. Tu t’es entêté dans tes idées sans écouter les autres membres de la famille.  

Si tu les avais écouté, et connaissant comment je vous ai tous éduqué,  les bonnes décisions auraient certainement surgi et vous n’auriez jamais eu recours a ouvrir l’enveloppe car le fait même de vous écouter et vous respecter les uns les autres vous aurait épargné les difficultés et le besoin de solutions magiques.

Mon fils, dans cette enveloppe il n’y a pas de solution magique, mais le devoir, par respect pour ma mémoire, de faire ce qui suit:

1- Rappeler les 4 points de mon testament a toute la famille

2- Refermer l’enveloppe sans que personne ne sache ce qui y est écrit et la remettre à Lalla Lhaja.

3- Re-choisir un autre chef de famille qui vous unit.

Je t’aime mon fils.

 

PS: Ce billet a été écrit en écoutant du Rwicha, Stati [Ses chansons Amazigh a loutar] et surtout : http://www.youtube.com/watch?v=FfxpFbI7rVc

Ps PS: Oui c’est important de le savoir 🙂

11 réflexions sur « Moul Sacca »

  1. Salam, bonne transposition de la situation (sociale, et politique) au Maroc et au monde arabe d’une façon générale. Sauf, qu’elle est partisane, et supporte un camp au détriment de l’autre.

    1. Bonjour mon ami,
      Je pense qu’on peut en tirer plusieurs bonnes leçons, mais la plus importante a mes yeux est la suivante:
      On ne doit jamais privilégier son ego, et appliquer « une pensée unique », au détriment de l’union du groupe.
      Si on perd l’union du groupe et sème la séparation et la culture de l’affrontement et l’exclusion l’échec devient alors un résultat inévitable.
      Amitiés,

      1. Tu dis cela mais à lire tes « critiques » à caractère politiques on vois bien que tu pratiques un certain double discours !
        Je constate d’après tes articles et commentaires, que l’opposition applique un affrontement hyper subjectif, une critique agressive et non constructive et privilégie en conséquence un peu trop son égo au lieu de faire une mea culpa et prendre un nouveau départ pour reconquérir la confiance des citoyens et surtout des jeunes car il est d’importance d’équilibrer les courants afin de nous éviter l’extrémisme et de droite et de gauche !

  2. Des situations comme celle que tu as décrite existe dans tous les quartiers de toutes les villes marocaines, et surement sur une grande patrtie du monde arabo-musulman.

    Le rappeler en des termes choisis comme tu le fais est une sorte de thérapie mais est-elle suffisante?

    Quand un Yacine surgit dans une famille, plus rien ne peut arrêter sa progression car il utilise ce que l’on appelle des arguments d’autorité », contre lesquels il est impossible de tenir un raisonnements sensés : toute discussion est dès lors bloguée!

    Mais des tentativdes comme celle-ci peuvent aider à mettre à ce danger!

    Bonne continuation.

  3. Faut-il voir dans ce gentil récit une allégorile décrivant la situation politique acutlle dans notre pays?

    Cheikh Benkirane serait le frèrot qui remplace Khouya Mezwar le bon gestionnaire?

    Ce serait là une lecture éronnée : Mézwar n’était pas un bon gestionnaire mais un homme politique ambitieux et Benkirane n’est pas un cheikh, juste un charlatan avec un fond de bonne volonté.

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